Gaïa, Ulysse et compagnie

lundi 1er octobre 2012
par  udas
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Gaïa : Terre-Mère ou Foulbazar ?

Dans la mythologie grecque, Gaïa est une déesse identifiée à la Déesse mère. Elle est l’ancêtre maternelle des races divines, mais enfante aussi de nombreuses créatures. La Terre-Mère des anciens est presque toujours désignée sous les noms de Gaïa ou Gé en Grèce.

Gé rarement vu une telle pagaille chez les enseignants du premier degré de l’Isère depuis que, en septembre 2012, Gaïa, logiciel de formation continue, est devenu passage obligé pour la gestion des inscriptions aux animations pédagogiques (l’édition des ordres de mission et l’indemnisation des frais de déplacements fonctionnant depuis quelque temps). Car les animations pédagogiques constituent désormais le gros morceau de la formation continue (sic) !

S’inscrire via Gaïa relève très peu de la sérénité nourricière de la Terre-Mère et le caractère divin de Gaïa sera contesté par plus d’un mortel enseignant. Quant à sa fertilité, Gaïa enfante surtout du temps perdu, du stress et de la colère.

Il faut savoir que Gaïa est un fichier, les dieux de l’Olympe ayant droit de regard complet sur nos choix de formation continue tout le long de notre carrière. Si le droit d’accès y est reconnu, le droit d’opposition ne l’est pas (arrêté du 11 janvier 1994 publié au JO du 21 janvier 1994).
Au lieu d’attribuer un code à chaque module de formation et de publier ces codes hors Gaïa, en les liant aux contenus des animations pédagogiques proposées, ce qui eut facilité l’inscription, des têtes bien pensantes de l’administration ont classé nos animations en trois catégories : départementales, « obligatoires » de circonscription, « optionnelles » de circonscription. Les codes de ces trois catégories se trouvent dans les notes de service des IEN ou dans le mode d’emploi de Gaïa. Les IEN ont dû souvent renouveler l’information tellement elle était évidente. Et sans la clé, point de paradis !

A peine arrivé sur ce paradis terrestre, dieu vous tombe sur la tête avec cette assommante question : quel est l’objectif de votre formation ? Jusqu’à présent vous vous contentiez de vous former, mus par le plaisir d’apprendre ou par l’ouverture sur des pratiques originales, tels Adam et Eve. Mais Dieu les a punis pour avoir croqué la pomme de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. On nous fait donc adopter désormais une réflexion professionnelle bien plus subtile, en devant choisir notre objectif de formation parmi : accompagnement aux bilans de compétences, ou au congé de formation, ou RAEP, ou VAE ; adaptation à l’évolution prévisible des métiers (sic), ou adaptation immédiate au poste de travail ; conception et organisation de la formation ; développement des qualifications ou acquisitions nouvelles, ou développement des compétences liées aux activités de formation (ah bon ?) ; élaboration des ressources ; fonctionnement (re-sic) ; formation diplômante ; formation professionnelle statutaire ; période de professionnalisation (2nde carrière) ; préparation examens ou concours. OUF ! N’en jetez plus !

Les propositions départementales et leur calendrier ne sont accessibles que sur Gaïa, pratique pour les connaître ! Et pas question d’en choisir plusieurs, un seul choix était possible. Pas de chance, ces animations étaient souvent sympathiques et professionnellement intéressantes. Tout comme les animations « optionnelles » de circonscription, plus accessibles. Mais une fois les 12h « obligatoires » sélectionnées, le choix se restreint, surtout pour ceux qui travaillent à temps partiel, quand on leur impose ces 12h (avec en compensation moins d’heures de concertation, de conseil ou de rencontre avec les parents d’élèves à effectuer, alors que ces heures sont déjà bien insuffisantes pour travailler en équipe et pour un dialogue régulier avec les parents.) On voudrait nous apprendre la comptabilité d’épicier qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Non de Zeus !

Quant aux animations « obligatoires », pilotage sous injonction divine, elles n’ont le plus souvent rien à voir avec l’éden … Mais leur fréquentation-purgatoire vaut accès, pour les 6h restantes (à temps plein), à des jardins célestes bien plus appréciés, et bien plus formateurs, il faut le dire.
Notons au passage que sur les tables de la loi on ne trouvera rien spécifiant qu’il peut y avoir des animations « obligatoires » : nous devons 18h (ou une fraction de 18h au prorata du temps partiel), point. L’accès aux stages de formation continue étant difficile, les cascades célestes étant taries, n’est-il pas d’autant plus légitime de pouvoir choisir librement et en fonction de nos besoins les modules d’animation pédagogique, devenue le plus gros volume de formation ? L’inscription électronique est aussi une arme redoutable pour orienter les inscriptions en fonction des critères choisis par l’administration, sans marge de manœuvre possible. Sur papier, vous pouviez toujours composer en fonction de vos désirs et écrire autre chose que la réponse attendue, sans garantie de résultat toutefois. Le numérique exclut toute autre démarche que la sainte voie. Sinon vous pouvez quand même participer à une formation sans vous inscrire, tant qu’il n’y a pas de badge électronique pour entrer dans la salle ! Mais ce temps ne sera pas comptabilisé dans vos 18h !

La déesse mère Gaïa dû manquer d’inspiration quand elle a prévu de demander le niveau de classe de l’enseignant. Ceux qui exercent dans des classes à plusieurs niveaux doivent en choisir un et un seul, c’est comme ça. Elle a dû également oublier l’existence des titulaires remplaçants (chez les dieux il n’y a pas de remplaçants), provisoirement exclus de l’accès autonome au logiciel. Un miracle a dû se produire depuis.

On peut encore se demander si les équipes de circonscription sont satisfaites du nouveau mode d’inscription aux animations pédagogiques, elles qui étaient habituées à les traiter directement. Pour elles comme pour nous, n’est-ce pas la dimension artisanale qui, une fois de plus, disparaît, au profit d’un mode de gestion qui relève davantage des abysses glaciales et mortifères que de chaudes ambiances paradisiaques !

Il fut un temps où dans pas mal d’endroits la qualité des animations proposées et l’absence de pesanteur administrative incitait bon nombre de collègues à dépasser largement le nombre d’heures dues, et sans indemnités de déplacement. Puisse ce temps divin de la formation nourricière revenir, enfantant de nombreux projets pédagogiques vivants !

Si un jour vous devez vous faire rembourser des frais de déplacements autres que ceux liés à la formation, vous découvrirez les charmes d’Ulysse, autre mythe, autre usine à gaz, en sous-traitance privée cette fois, ce qui est charmant pour la possession des données sensibles que vous devez communiquer si vous espérez être indemnisé-e.


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