Je peux, je ne peux pas

Je peux, je ne peux pas :
le devoir de réserve, l’obligation de discrétion professionnelle,
le principe de neutralité

Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
Art. 26. -

Les fonctionnaires sont tenus au secret professionnel dans le cadre des règles instituées dans le code pénal.

Les fonctionnaires doivent faire preuve de discrétion professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l’exercice ou à l’occasion, de l’exercice de leurs fonctions. En dehors des cas expressément prévus par la réglementation en vigueur, notamment en matière de liberté d’accès aux documents administratifs, les fonctionnaires ne peuvent être déliés de cette obligation de discrétion professionnelle que par décision expresse de l’autorité dont ils dépendent.

Commentaire : les fonctionnaires ont la liberté d’expression et d’opinion dans la limite de la loi, et à condition de ne pas enfreindre l’obligation de discrétion : à l’extérieur, ils n’ont pas à relater ce qu’ils peuvent savoir sur leurs élèves ou les parents d’élèves, par contre ils peuvent exprimer en toute liberté leurs divergences d’opinion avec le pouvoir politique en place par exemple. L’obligation de discrétion est de plus en plus prégnante au fur et à mesure que l’on occupe un poste important dans la hiérarchie.

Le devoir de réserve, si souvent évoqué, n’existe pas de façon statutaire dans l’éducation nationale. Selon la jurisprudence, sont soumis au devoir de réserve les fonctionnaires d’autorité (recteur, directeur d’administration centrale) nommés par le pouvoir politique (ceux qui de par leur condition de nomination ne peuvent se présenter aux élections) : dernier exemple en date, la révocation du recteur de Lyon suite à ses prises de position contre le « lycée musulman ».
Évidemment, plus on occupe une fonction élevée dans la hiérarchie plus le devoir de « discrétion » s’apparente à un devoir de « réserve ».
Extrait du vademecum juridique distribué à un stage de formation syndicale coorganisé par CNT éducation, SUD éducation et PAS 38.

Principe de neutralité

Le principe de neutralité du service public est le corollaire du principe d’égalité devant la loi consacré par la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. Aux termes de l’article VI, la loi étant l’expression de la volonté générale, elle "doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse". Le service public doit par conséquent être assuré avec neutralité, c’est-à-dire sans considération des opinions politiques, religieuses ou philosophiques des fonctionnaires ou des usagers.

Le principe de neutralité s’impose aux autorités administratives et à leurs agents. Il implique pour ceux-ci de n’agir, dans le cadre de leurs fonctions, qu’en vertu de l’intérêt général, sans tenir compte de leurs opinions ou d’intérêts particuliers.

Le service public de l’éducation doit répondre à l’intérêt général et aux missions qui lui sont dévolues en respectant le principe de neutralité dans toutes ses dimensions : neutralité politique, neutralité religieuse, neutralité commerciale.

Le respect de ce dernier principe de neutralité commerciale n’interdit pas le recours à des partenaires extérieurs pourvu que le cadre éducatif soit toujours précisé et les garanties vérifiées.
http://eduscol.education.fr/cid48581/principe-de-neutralite.html

Moi qui suis censé développer l’esprit critique chez mes élèves, dois-je faire preuve d’aucun esprit critique ? Bien sûr que non, dans le cadre de l’expression syndicale ou hors de l’école en tant que citoyen, je peux m’exprimer ... Dans l’exercice de ma fonction, je dois rester neutre, face aux élèves, à leurs parents, aux élus, etc … Mais je peux déjà dire beaucoup de choses, avec modération et objectivité, dans le cadre de cette neutralité.

JE PEUX

  • signer une pétition en tant que citoyen, et même en tant qu’enseignant, mais sans préciser mon poste précis.
  • initier une pétition en tant qu’enseignant si elle ne remet pas en cause la hiérarchie ni ne remet en cause la dignité de la fonction d’enseignant. Même chose pour tenir un blog en tant qu’enseignant.
  • distribuer des tracts à caractère syndical de main à main devant la porte de l’école aux parents d’élèves en tant que citoyen ou les distribuer via les élèves dans le cahier de liaison agrafés ou sous enveloppe fermée (les élèves n’ont pas à les lire).

JE NE PEUX PAS

  • donner mon opinion personnelle aux élèves (mais je peux animer un débat en classe respectant les différentes opinions)
  • protester directement contre une mesure de carte scolaire ou contre une décision ministérielle en conseil d’école (mais je peux protester en dehors des murs de l’école en tant que citoyen et je peux donner des éléments objectifs, neutres, sur les conséquences de la mesure ou de la décision en conseil d’école)
  • divulguer aux parents d’élèves ou aux élus une mesure administrative sans autorisation
  • divulguer à des amis des renseignements sur des élèves (résultats, santé, vie privée …)
  • exprimer spécifiquement en tant qu’enseignant des opinions politiques personnelles (mais je peux le faire en tant que citoyen)

A condition de respecter le cadre de la loi il existe donc des marges de manœuvre pour nous exprimer sans nous exposer. L’administration tente souvent de limiter radicalement notre expression en évoquant un devoir de réserve qui ne nous concerne pas. En cas de doute, consultez un syndicat de votre choix ! Et n’oubliez pas que l’expression la moins risquée c’est l’expression syndicale !


Documents joints

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