La laïcité des quartiers
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La laïcité, j’aimerais vraiment la vivre sereinement dans ma classe et dans mon école. Mais le poids des mots face au contexte familial est un peu faible. Dans le quartier où je travaille, la religion nous empêche régulièrement de mener certains projets, elle nécessite parfois d’interrompre la classe pour régler des conflits, et provoque l’absence de certains élèves de manière régulière. La laïcité en tant que mot, est un rempart bien fragile, et tellement facilement contournable.
Voici quelques exemples vécus, parmi d’autres ; et si la religion musulmane est souvent citée, ce n’est aucunement une volonté de stigmatiser mais elle est sur-représentée dans ce quartier. Je précise d’emblée que bon nombre de familles musulmanes laissent la religion aux portes de l’école.
(Autrement dit, non je ne vote pas Marine, je raconte juste le quotidien d’une instit en quartier populaire ! Et s’interdire de le raconter par peur de heurter les biens pensants de gauche ne fera pas avancer la réflexion collective !)
La laïcité, la culture et la fête :
Dans le cadre d’un festival de musique, un spectacle est proposé à tous les enfants de l’agglomération ; chaque année, environ 2 élèves par classe en moyenne ne viennent pas au spectacle car « le jazz est une musique subversive… »
Dans ces conditions, comment imaginer un projet de partenariat entre une classe de CM2, et un artiste de jazz, en plein ramadan ? Imaginez une classe amputée de moitié (car la musique n’a pas sa place pendant le ramadan pour la majorité des familles du quartier) le jour J, sur la scène…. Le projet n’est simplement pas possible.
Même pour les projets de classe il manque chaque année des enfants sur scène pour des raisons religieuses (bien évidemment non énoncées comme telles).
Il y a aussi les enfants qui ne font pas le carnaval (les témoins de Jéhovah) et ceux qui ne fêtent pas leurs anniversaires.
La laïcité, le corps et la santé
De même, au mois de juin travailler avec des enfants qui ne mangent ni ne boivent de la journée, on peut dire que ce n’est pas simple … ne parlons même pas du sport ou des sorties avec pique- nique ! (En fait si parlons-en !)
Il y a aussi ceux qui ont de faux certificats du médecin pour éviter que leur fille de 6 ans n’aille à la piscine (heu oui certes ça lui évitera de se retrouver en maillot de bain devant d’autres personnes (hou !), mais en attendant elle ne sait pas nager, votre fille !
Et le père qui vous agresse parce que sa fille avait un tee-shirt un peu dénudé sur scène (une petite fille de 8 ans, et le tee-shirt n’était juste pas un col roulé) « comment ça se fait que ma fille soit à poil devant tout le monde ? »
Sans parler des réactions contre la collègue de CM2 après la séquence sur la reproduction humaine ou le projet avec le planning familial !
Les voyages scolaires ? Impossible, même après de nombreuses réunions et des rencontres individuelles, 1/3 des parents refusent de laisser leur enfant partir !
A nous de faire face au quotidien :
Doit-on refuser les mamans voilées en sortie scolaire au risque d’annuler la sortie par manque de parents ?
Que faire des remarques tranchantes de certains parents, telle la maman d’Abdallah (après une dispute entre Martin et Abdallah, durant laquelle Martin a dit : « de toute manière la religion musulmane, c’est nul ») « Avec des gamins comme Martin , il ne faut pas s’étonner qu’il y ait du terrorisme ! » ?
Alors oui on peut faire signer des chartes et expliquer des principes, mais à l’heure actuelle, dans les quartiers, ce n’est pas une solution aux problèmes rencontrés : certains enfants sont, aujourd’hui, empêchés d’apprendre pour des raisons religieuses.
Il ne faut en aucun cas laisser passer ça.
Pour prendre ce problème à bras le corps, les solutions me semblent être du côté d’une vraie mixité sociale (donc un travail à mener du côté des collectivités locales) et du côté du dialogue avec les familles, en dehors de l’école et du temps scolaire (un travail à mener avec les associations et l’éducation populaire).
Bien sûr l’école peut et doit travailler sur cette question de la laïcité, et il serait souhaitable que nous soyons formés pour pouvoir agir dans ce sens, mais c’est surtout la laïcité qui doit permettre à tous les enfants de participer à tous les temps de classe sans que la religion vienne interférer.