Évaluations nationales : plus souples mais pas pour autant sans dangers pour les élèves en difficultés !

mercredi 23 septembre 2015
par  udas
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Au PAS 38 nous avons apprécié, même si leur passation demeure obligatoire, que ces nouvelles évaluations de CE2 soient diagnostiques, laissent de l’initiative aux équipes pédagogiques pour s’en emparer et ne fassent plus l’objet de remontées à la hiérarchie. C’est donc que leur rôle d’outil au service des apprentissages est reconnu, aux antipodes des évaluations couperet de l’ère sarkozienne, qui servaient d’abord à trier les élèves et à manager les enseignants sur des critères de compétitivité absurdes, aux conséquences redoutables.

Pour autant nous sommes loin d’être satisfaits.

Certes la banque d’exercices proposés, environ 400, contient des situations favorisant la mise en confiance des élèves en difficultés par des items faciles d’accès, accompagnés parfois d’une iconographie stimulante et rassurante, permettant d’établir des gammes d’exercices de plus en plus difficiles. Quand on peut dire à un élève : « On veut voir ce que tu es capable de faire et jusqu’où tu peux aller ! » sans le décourager ni par un échec d’emblée ni par le statut du « je ne sais plus faire, ça devient trop difficile" car l’élève a intériorisé qu’il a bien réussi jusque-là , on a déjà fait un pas vers la réussite pour tous. C’est notamment le cas, au moins partiellement, dans ces évaluations, en lecture, en vocabulaire, en expression écrite, en géométrie et en tableaux de données.

En revanche, quand on commence la conjugaison par la maîtrise des verbes irréguliers du 3ème groupe, l’orthographe par celle du genre et du nombre, la numération par celle des centaines, le calcul par les additions à trous et le raisonnement par des problèmes assez complexes sans aide iconographique, n’est-on pas déjà élitiste, ne contribue-t-on pas à creuser les inégalités, en bloquant d’emblée les réussites ? N’intériorise-t-on pas chez les élèves en difficultés l’idée qu’ils n’ont pas le niveau ou pire qu’ils n’ont rien appris en CE1 ?

Est-ce trop compliqué pour les "crânes d’œuf" du ministère d’imaginer qu’il existe aussi, dans les matières plus techniques, des exercices progressifs, permettant aux élèves en difficultés d’intérioriser que eux aussi savent faire un certain nombre de choses, qu’ils ne maîtrisaient pas un an plus tôt, et que le chemin est tracé pour continuer à progresser ?
Par exemple, en conjugaison, maîtriser les époques, rechercher des formes verbales dans les tables de conjugaison et les recopier sans erreur. En orthographe, mettre les points et les majuscules qui manquent, indiquer pour un groupe nominal donné, déjà bien orthographié, le genre et le nombre (recherche d’indices). En calcul, commencer par des additions sans abstraction, avec iconographie au tout début. En raisonnement, démarrer par des problèmes simples avec également une aide iconographique.

Rien ne nous interdit de créer de tels exercices manquants.
Il est explicitement écrit que les évaluations peuvent n’être utilisées que pour certains élèves, pour nous aider à savoir là où ils en sont.

Mais d’une manière plus générale, avec ces évaluations, on reste centré sur le schéma leçon – exercices – remédiation. Comme si on ne pouvait pas savoir où en sont nos élèves au cœur des activités pédagogiques quotidiennes, pas forcément calquées sur ce schéma classique (situations plus créatives, recherches, coopération dans un projet …) Comme s’il fallait obligatoirement des temps d’évaluation artificielle pour nous éclairer sur nos élèves. Une situation d’expression écrite stimulante, le premier jour de classe, en dit déjà long sur là où en est l’élève. Tout en sachant qu’entre celui qui a été stimulé pendant les grandes vacances et celui qui n’a jamais eu accès à de l’écrit ni à du raisonnement pendant deux mois l’écart est grand et peut diminuer si on l’évalue après quelques semaines de reprise…

Certains hurleront peut-être au nivellement par le bas que nos propositions induiraient. Bien au contraire : mis en confiance, les élèves les plus faibles feront mieux ; dans la logique du défi qu’on lance aux élèves pour qu’ils aillent le plus loin possible, rien n’empêche de compléter la gamme des 400 exercices par des items plus difficiles, afin que certains trouvent aussi du plaisir … à ne pas avoir tout juste à chaque fois. Le regretté Albert Jacquard disait que ça ne sert à rien de proposer comme évaluation uniquement des choses que l’on sait faire.
L’idéal est d’arrêter quand on n’y arrive plus, de faire autre chose pendant que d’autres continuent à se frotter à des exercices de plus en plus difficiles, ce qui implique une organisation différenciée de la classe.

Bref l’évaluation est quelque chose de sérieux, aux conséquences lourdes en termes de démocratisation de l’enseignement. On ne peut pas pleurer après les mauvais résultats français, le système aggravant les inégalités, et utiliser des outils qui s’inspirent de ce dysfonctionnement et qui « mettent en examen » les élèves en difficultés. L’école ne peut pas tout, mais elle peut beaucoup.

Claude Didier, Septembre 2015


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