Recomposition et voie alternative
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Recomposition et voie alternative Débats préparatoire au Congrès Sud education Contribution du Pas38, 02 août 1997
Une conviction gagne aujourd’hui les esprits de salariés toujours plus nombreux : Les Centrales Syndicales du XX° siècle sont dans l’impasse. Désyndicalisation, démobilisation, négociations au sommet, compromissions politiques, voici les contenus des éditoriaux que devraient écrire les grands Responsables Syndicaux actuels dans leurs revues.
A côté de cela, il existe des perspectives pour ceux qui refusent le fait accompli ou la fatalité d’un syndicalisme français moribond et qui arrange tout le monde, patrons, gouvernants et syndicalistes professionnels. Ces perspectives apparaissent à nos yeux fondamentales : coordinations à la base, sur le terrain, lors des montées du mouvement social, et construction d’une nouvelle stratégie syndicale.
A l’image du Groupe des 10 depuis 1981-82, de SUD PTT depuis 1988, les années 90 ont vu naître dans l’Education les démarches des PAS, SDE et SUD Education ! Ces trois mouvements ont su travailler ensemble et présenter une liste commune aux élections paritaires nationales de 1996. Mais aujourd’hui, une question est présente dans nos têtes et nos débats : Le PAS entrera-t-il dans SUD Education ? Ce que nous voulons construire, c’est un avenir pour l’alternative syndicale, ce que nous craignons, c’est la manifestation d’un feu de paille et ce dont nous ne voulons pas, c’est une voie de plus vers une nouvelle Centrale Syndicale XX° siècle ? Nous ne voulons ni absolument nous intégrer ni obstinément nous opposer, nous voulons simplement travailler ensemble pour élaborer une stratégie syndicale différente.
1. Un peu d’histoire...
De la naissance...
En 1990, en Isère, des syndicalistes de l’Education concrétisent leur rupture avec des centrales qui n’avaient de démocratique que leurs affirmations. Ils veulent construire un autre type de syndicalisme. Ils contactent alors des camarades de SUD PTT, né depuis peu, pour une proposition de rapprochement sous une bannière commune. Ces camarades hésitent sur l’opportunité d’élargir si vite leur mouvement en construction. Très justement, il ressort des discussions que le développement de l’alternative syndicale ne doit pas passer par le développement d’une bannière mais par la construction de structures syndicales effectivement et réellement démocratiques, par des militants issus et proches de leur terrain. Si les fondateurs d’une nouvelle structure dans l’Education devaient exister, ils n’avaient besoin d’aucune bannière... autres que leur propre fonctionnement démocratique et leur proximité du terrain. C’est cela et cela seul qui permettrait à cette structure naissante de perdurer. Rien n’empêcherait, quel que soit le nom de chacun, de pouvoir travailler ensemble si les bases étaient effectivement communes.
...à la vie.
Le chemin parcouru, loin d’être simple, a permis de construire une réelle force syndicale. Ainsi, nous avons pu lire sur la profession de foi du PAS pour les élections paritaires de 1990,
"...Parce que les syndicats que nous avons quittés ne nous ont pas permis une prise en charge réelle de nos problèmes ... Nous voulons développer un syndicalisme plus authentique ",
puis sur la profession de foi du PAS pour les élections paritaires de 1993,
"...nous avons tenté de faire exister une démocratie syndicale vivante. Deux fois par trimestre, l’Assemblée Générale des adhérents s’interroge, analyse, élabore des propositions et cherche des moyens d’action. Et ça marche, sans permanents mais grâce à la permanence de nos convictions, dans la solidarité, le travail commun et notre capacité d’intervention.
La transformation de l’école ne saurait être définie sans nous..."
enfin sur la profession de foi de SUD-SDE-PAS pour les élections paritaires de 1996,
" Nous avons en commun la volonté de construire
un syndicalisme réellement démocratique (privilégiant le fonctionnement en assemblée générale souveraine) qui ne soit pas confisqué par des "bureaucrates",
un syndicalisme ancré d’abord dans les luttes,
un syndicalisme qui ne soit pas limité par les murs de l’école ou les contours d’une catégorie.
... C’est autour de pratiques syndicales renouvelées que nous voulons : ... "
De la même façon, aujourd’hui en 1997 dans l’Isère, armés de ces profondes convictions, chacun peut lire sur sa carte syndicale : " Le PAS, c’est moi ".
Au travers de ces relectures de professions de foi qui ont balisé un travail de proximité au quotidien, nous réaffirmons que
"...Nous nous sommes lancés dans la construction d’un autre (type de) syndicat. Nous le voulons différent. Il sera ce qu’ensemble nous en ferons."...
... et non ce que certains décideront d’en faire pour d’autres !
Aussi soyons clairs : être dans le PAS, dans SUD, dans X, Y ou Z... peu importe le nom ! Là n’est pas la question.
Car nous n’avons pas besoin de bannière pour nous identifier et nous pouvons changer de nom sans anxiété ni nostalgie. Nous n’avons pas besoin de volume, de monde pour nous rassurer, de journaux largement diffusés pour nous croire grands... Nous restons viscéralement, attachés à la démocratie dans le syndicat, à la proximité dans le travail syndical, à tous ces principes dont nous aurons à discuter...
2. Travailler ensemble, quel type de syndicalisme ?
Pour nous, la voie alternative, c’est une autre voie dans l’attitude syndicale. Une voie imprégnée de profonds comportements démocratiques basés sur la confiance. Un pari sur la réalité d’une réflexion et d’une action effectivement collectives.
Car nous avons choisi de construire un autre type de syndicalisme, proche des réalités quotidiennes et des besoins exprimés de chacun : Un syndiqué, un militant, une voix à écouter, une vérité à comprendre...
Ce que nous ne voulons plus :
Nous avons fait le deuil de ces centrales syndicales "Papa m’a dit", type assurances, dans lesquelles s’expriment encore pêle-mêle les carriéristes de tous poils [dont nous nous passerons de brosser les portraits] comme les sincères déconnectés des réalités par leurs décharges professionnalisées à trop long terme.
Nous avons fait ce deuil sans ignorer qu’il y a encore dans ces centrales, et pour longtemps sans doute, beaucoup de déçus de l’action syndicale centralisée, encore attachés à leurs passés, d’utopistes du redressement de la ligne, encore présents et actifs, de faux naïfs en mal de vérités à vendre à d’éventuels souscripteurs de poussiéreuses polices d’assurances professionnelles... Car ces vielles structures sont sans avenir d’évolution même si elles sont dotées d’un fort pouvoir de marketing ; la dernière née, toute jeune et déjà si vieille, étant d’ailleurs championne au kilo de papier posté.
Nous ne voulons plus d’un syndicalisme qui tient bureau de renseignements pour accidentés du parcours de carrière, qui assène "La Position Syndicale" avec son dictionnaire du bon militant, marchand de savonnettes.
Ni d’un syndicalisme qui agite le "mouvement social" en marche (Où-ça ? Où-ça ? dites-le moi !) comme une bannière de rassemblement, le carnet d’adhésions en poche. Ni d’un syndicalisme bardé de ces envolées lyriques qui promettent la manif définitive, le grand soir pour demain.
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Quel bilan des journées de grève 96-97 ?
Nous avons choisi de NOUS organiser et non plus de nous FAIRE organiser (et TAIRE ?) par d’autres.
Ce que nous ne voulons pas :
Souvenons-nous qu’il y a une bonne dizaine d’années, une énième tentative de "recomposition syndicale" a révélé, s’il était nécessaire, les failles de la subordination du syndicaliste au politique. C’était l’essai non transformé de rapprochement de la FEN, de la CFDT, de FO et d’autonomes réformistes. Certains recherchaient une assise électorale, par un prolongement de leurs "idées" dans le monde du travail via les Centrales complices. Avec lucidité Lionel Jospin dénonça cette intrusion du politique dans le syndical. D’autres se sont laissés aller à croire en l’opportunité d’un large rassemblement dit "Unitaire" au service d’un combat pour réunir les conditions du passage au socialisme. Les pièges de la recomposition syndicale comme réponse à la désyndicalisation ou comme stratégie de constitution d’un bloc fort face à la CGT n’ont pas été également évités. On connaît aujourd’hui les éclatements successifs que ce processus a provoqués.
C’est pourquoi l’expression "recomposition syndicale" ne résonne pas dans nos têtes... car nous ne voulons pas recomposer avec les vieux démons de la politique syndicale d’appareils !
Nous ne concevons de mouvement syndical, que celui qui est construit à la base par les salariés eux-mêmes. Il n’est pas question de vouloir bâtir une organisation à la place d’autres pour qu’ils puissent s’y inscrire...
Lorsque des proches nous demandent leur aide, c’est volontier que nous leur apportons nos moyens, notre logistique, mais jamais nos directives pour faire à leur place. Nous ne concevons pas de créer des structures vides à remplir par d’éventuels adhérents... car adhérents à quoi ? Attention à la chute des coquilles vides !
Ce pour quoi nous nous battons :
Nous voulons travailler aux solidarités avec ceux qui se battent contre leurs précarités plus qu’à l’élaboration de plates-formes revendicatives pour la défense des corporatismes, sans oublier qu’il est des grands principes que nous réaffirmons et des combats professionnels dans lesquels nous prenons toute notre place aux côtés de ceux qui veulent se les approprier.
Nous voulons marcher aux côtés de et avec tous ceux qui ont effectivement choisi leur propre voix pour se faire entendre, du Groupe des 10 aux Sud, mais aussi de AC au DAL et aux sans papiers, etc...
en incitant aux solidarités, en défendant tous les droits et en luttant contre le racisme, la haine et toutes les formes d’exclusions.
Dans cette perspective, la priorité doit porter sur les luttes contres les inégalités et les discriminations.
Quel syndicalisme, sans utiliser de dénominations chargées d’histoire, permettra de rendre effective cette priorité sinon un travail laborieux de proximité aux côtés des précaires ?
Nous avons ainsi clairement à l’esprit la volonté de construire un syndicalisme qui met en place des relations saines entre les humains, sur des bases alternatives, de solidarité et de responsabilité, préfigurant le type de société que chacun espère voir naître un jour... [qui a dit : même dans dix mille ans ?... oui, même !] mais nous avons aussi cette farouche volonté de ne plus vouloir jamais être condamnés à suivre en râlant ce que d’autres ont voulu nous faire faire et qui n’était ni notre conviction ni notre proposition.
Nous affirmons notre rupture avec la notion d’unité avec les partis de gauche. Nous préférons travailler à la recherche de convergences syndicales unitaires et non à des unités fabriquées. Nul ne décrétera l’unité, seuls le travail de terrain, l’échange pluraliste, les pratiques démocratiques et l’actualité des offensives patronales permettront un rassemblement unitaire opportun et durable. Faire échec à la division ce n’est pas travailler à la recomposition des différentes structures mais à l’expression des revendications à la base, volontaires, conscientes et librement exprimées.
Travailler à la libre revendication de la base plus que courir après la construction confédérale, être présents là où le travail syndical et de solidarité s’impose plus que vouloir apparaître dans les journaux... Bien sûr, nous le savons, construire et apparaître sont nécessaires sous peine de disparaître, mais construire et apparaître seulement après et à partir des réalités de travail et de présence, sans opposition stérile entre ces aspects.
C’est pourquoi en étant également Solidaires, Unitaires, Démocratiques, nous ne voulons pas construire un autre syndicat, un syndicat de plus, une autre Confédération, une de plus, mais nous voulons bâtir effectivement une véritable Alternative Syndicale, avec une stratégie différente, permettant à chacun d’être responsable, sans souci de bannière ou de label (garanti par qui ?)... même si cette alternative doit revêtir la forme d’une confédération.
Mais là, cette confédération quel qu’en soit le nom, même différent des nôtres, sera l’expression de la nécessité d’une structuration par la base et non le résultat du désir d’une construction par en haut. Les structures que l’on se donne ne sont jamais innocentes (Le terme Union ne l’est pas, il pose comme principe intangible l’égalité des structures la composant, quelle que soit leur taille, leur ancienneté ou la force de persuasion de leurs militants).
Enfin, il nous faudra être attentifs à réellement prendre en compte et sans esquives les demandes de débats sur la démocratie interne, qu’elles soient sur la base d’interventions dans les réunions nationales ou comme contributions écrites envoyées à tous les groupes départementaux.
De cela nous débattrons ensemble par l’apport pour notre part d’une prochaine contribution sur le fonctionnement même de la démocratie dans le syndicalisme.