Dossier
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Retraites
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Une lutte importante... | ||||
Les sept mensonges du gouvernement Raffarin et du Medef...(arg 2.15) |
Il
sagit à la base dune réflexion sur les retraites
de Jean-Luc Cazettes,
Pdt de la CFE-CGC (Confédération générale des cadres), parue en 2001 dans Marianne et actualisée sur certains points." |
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Premier mensonge | |
Cest le plus
gros, il concerne les chiffres des prévisions pour les vingt ou quarante
prochaines années. On débat toujours à partir de prévisions
qui donnent des déficits considérables en 2020 ou 2040. Or,
il suffit que la croissance augmente pour que les rentrées de cotisations
soient supérieures aux prévisions. Par ex. les années
1999, 2000 et 2001 ont été de bonnes années, et ce
résultat nest pas que conjoncturel, il influe bien évidemment
sur les années suivantes, de la même façon que les intérêts
composés en matière dépargne. Il modifie considérablement
les résultats chiffrés en amoindrissant les déficits
et en retardant leur apparition. On a donc le temps de gérer les
transitions dans le calme et la concertation et en se préoccupant
de lensemble des régimes de retraites, de base ou complémentaire.
A titre dexemple, pour les complémentaires du secteur privé
(Agirc, Arrco et ASF), leur solde technique serait excédentaire de
près de 200 milliards en 2020 au lieu dun déficit prévu
de plusieurs dizaines de milliards.
Malgré tout, on continue de faire comme si 1999, 2000 et 2001 navaient pas existé, et on raisonne toujours sur la base des prévisions et pas de la réalité.
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Deuxième mensonge | |
Lespérance
de vie augmente dun trimestre par an et il faut allonger la durée
dactivité.
Cest faux ! Dabord, parce quon peut se demander au nom de quel principe la durée de vie que lon gagne avec les progrès de la médecine ne serait consacrée quà la seule activité professionnelle. Ensuite, parce que ce fameux trimestre représente lespérance de vie à la naissance. Il tient compte de la baisse de la mortalité infantile, des accidents de la route, des morts du Sida ou par suite de maladies graves. Il a donc pour effet daugmenter le nombre dactifs qui peuvent payer des cotisations, mais pas la durée de la retraite versée. Parce que lespérance de vie à 60 ans ne progresse pas dans les mêmes proportions. Depuis 1980, on a gagné entre cinq et six ans despérance de vie à la naissance (cest différent selon le sexe), mais on na gagné que trois ans à trois ans et demi despérance de vie à 60 ans. Et en plus, depuis 1997, lespérance de vie des plus de 60 ans stagne. Or, ce qui est important pour un régime de retraite, cest uniquement le nombre de trimestres supplémentaires quil faudra verser aux retraités. Et celui-là naugmente pas dun trimestre par an. |
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Troisième mensonge | |
Lensemble de
nos voisins a reculé lâge du départ en retraite,
il faut donc en faire autant en France.
On oublie simplement que la structure démographique française et nettement différente de celle desdits voisins. Le taux de fécondité sest toujours maintenu en France au-delà de 1,7, pour une moyenne en Europe de 1,45, et il a encore augmenté ces dernières années. A titre de comparaison, lAllemagne est en-deçà de 1,3, lItalie et lEspagne dépassent péniblement 1,1. Cela signifie que ces pays rencontrent un gros problème déquilibre entre la population en âge de travailler et la population retraitée. Cette équation est beaucoup moins cruciale en France, car le nombre de naissance sest maintenu à un niveau plus élevé. Notre pays na donc pas à suivre aveuglément ce qui se passe chez ses voisins, chacun doit sadapter en fonction de ses propres réalités. Cette situation démographique qui a eu des conséquences néfastes sur lemploi et explique en partie le taux de chômage plus important en France dans le passé, nous est en revanche bénéfique ne matière de retraite. Autant en profiter !
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Quatrième mensonge | |
En reculant lâge
de départ, ou en augmentant la durée des cotisations, on améliore
le rapport entre les actifs qui payent des cotisations et les retraités
qui perçoivent des pensions.
Cest vrai en théorie, mais pas dans la réalité de « lexception française ». Parce quaujourdhui, dans les entreprises, seule une minorité de salariés arrive normalement à lâge de la retraite. Près des deux tiers de ceux qui demandent la liquidation de leur retraite ont déjà quitté lentreprise. Ils sont soit au chômage, soit en préretraite, soit dispensé dactivité Les formules sont nombreuses. La France a le taux dactivité de la classe dâge 55-60 ans le plus faible dEurope ! Le fait de ne prendre sa retraite quà 61, 62 ou 63 ans ne changera en rien le rapport entre les actifs et les inactifs si les gens continuent à se voir privés demploi à 55 ou 57 ans . Il faudrait commencer par laisser les salariés travailler jusquà 60 ans avant même denvisager daller plus loin. |
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Cinquième mensonge | |
Si on ne fait rien,
il faudra augmenter les cotisations et cela pèsera sur les plus jeunes.
En ce qui concerne les financements , il y a des pistes à explorer, qui vont de lélargissement de lassiette, par la réintégration des éléments annexes du salaire, à la TVA sociale appliquée par exemple au Japon, en passant par une participation de la valeur ajoutée des entreprises. Mais lallongement de la durée dactivité en lieu et place dune augmentation des cotisations fera bien reposer sur les jeunes générations un coût plus important. Dire aux jeune quon agit pour leur bien en refusant dalourdir leurs cotisations, tout en prenant trois ou cinq années de leur vie nest pas forcément un progrès. A tout le moins, il faudrait leur poser la question : préfèrent-ils payer, progressivement, quelques points de cotisations en plus, ou bien travailler pendant 42 ou 45 ans, ce qui, avec la durée des études, les amènera à quitter lentreprise entre 65 et 70 ans ? Le Medef et le Gouvernement Raffarin sont-ils les mieux qualifiés pour décider ce que choisiront ces jeunes salariés. |
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Sixième mensonge | |
Pour régler
à long terme le problème des retraites, il faut mettre en
place la capitalisation.
Dans tous les pays où on a mis en place des fonds de pension, moins de la moitié de la population est couverte par ceux-ci. Cela découle du fait quils ne sont jamais obligatoires, et que leur répartition est, par nature, très inégalitaire. Il est donc faux de dire quon règle ainsi le problème des retraites. On ne règle au mieux que la retraite de certains. En tout état de cause, que lon soit en répartition ou en capitalisation, les contraintes extérieures sont les mêmes, quil sagisse de lactivité économique ou de la démographie. Ainsi, les fameux fonds de pensions anglo-saxons vont arriver à maturité dans les années qui viennent. Cela signifie quils seront confrontés aux mêmes déséquilibres démographiques, moins dactifs pour épargner et plus de retraités auxquels il faut verser une pension. Ce qui entraînera obligatoirement, tous les gestionnaires de ces fameux fonds le disent eux-mêmes, une pression à la baisse de la Bourse. Est-ce bien le moment de monter dans le bateau ivre ?
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Septième mensonge | |
Le départ, avant
lâge de 60 ans, des salariés qui ont déjà
leur quarante annuités de cotisations, est un grand progrès
social.
Oui, si cest un choix offert au salarié. Parce que tout départ avant 60 ans entraîne une retraite plus faible pour une raison simple, cest quil ny a plus acquisition de points dans les régimes complémentaires. Or, cest justement dans les dernières années de carrière que, les salaires étant plus élevés du fait de lancienneté, lon accumule le plus de points. En partant plus tôt, on perd ces points, et donc une part de la retraite prévue. Cela implique de laisser un véritable choix aux salariés concernés selon quils souhaiteront avoir une retraite plus précoce ou une retraite plus élevée. |
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Epilogue | |
Il faut arrêter de subir la pression de cette pensée unique complaisamment relayée à longueur de colonnes ou de plateaux télé et qui na pour but que de réduire le coût du travail, direct ou indirect, pour augmenter, encore et toujours, la mythique « création de valeur pour lactionnaire ». | |
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