L’évaluation des enseignants

une mise à plat s’impose
jeudi 5 janvier 2017
par  PAS 38
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Le PAS 38 s’est toujours prononcé contre l’inspection actuelle, infantilisante et inefficace.

Elle conduit à montrer le jour J ce que l’IEN attend. Elle nous amène à être au choix, pendant les séquences observées, par rapport à d’habitude, plus ou moins bienveillant, autoritaire, souple, rigoureux, porté sur la différenciation pédagogique, concentré sur la stricte application des programmes et des programmations, attentif à la qualité de ses préparations écrites et de son affichage, etc … Plutôt plus que moins d’ailleurs. Qui peut affirmer que le jour de l’inspection il n’a strictement rien changé à ses habitudes ?
Certains, surtout en début de carrière, sont déstabilisés par l’inspection, à cause de la situation hiérarchique et des conséquences pour la titularisation ou le plan de carrière ou plus simplement par rapport à la sérénité professionnelle, l’inspection n’étant pas toujours un moment de franche convivialité ni de bienveillance (qualités pourtant présentes dans les instructions officielles).
Bien entendu l’IEN n’est pas dupe et voit bien quel fond de travail et d’ambiance de classe a lieu le reste de l’année quand il n’est pas là. Le climat pédagogique ne peut pas être artificialisé pour une demi-journée en cachant totalement ce qu’il est le reste du temps. Pareil pour la motivation des élèves, pour les traces écrites.
L’inspection actuelle apporte peu de conseils aux enseignants, elle est trop normative. Il y a bien longtemps que les conseillers pédagogiques ne conseillent plus la majorité des collègues, à l’exception des débutants. Parfois des animations pédagogiques centrées sur de vrais apports et échanges pédagogiques, ce qui est rare, jouent ce rôle de conseil, dans un mode collectif intéressant.
Dans les faits l’IEN est souvent le seul à rencontrer l’enseignant dans sa classe face aux élèves. Manquant de temps, il se consacre avant tout à la dimension de contrôle de l’inspection, par rapport à des grilles d’évaluation. L’entretien est lui aussi centré là-dessus et apporte trop peu souvent un climat constructif et une richesse de conseils pédagogiques susceptible de placer l’enseignant dans une dynamique innovante.
La réforme de l’évaluation des enseignants conforte les missions de conseils aux enseignants mais, en confiant à l’IEN le cumul de l’inspection formelle et de ces missions de conseil, elle crée d’emblée un obstacle majeur. Nous pensons que ce n’est pas l’évaluateur et supérieur hiérarchique qui devrait venir conseiller les enseignants mais un collègue, conseiller pédagogique, PEMF, maître d’accueil ou autre, avec le même statut que l’enseignant accompagné. En outre les échanges horizontaux, au sein de l’équipe pédagogique, au niveau de la circonscription ou dans des groupes de besoin, devraient constituer un pilier majeur de la formation continue, en responsabilisant davantage les enseignants et en encourageant le collectif et l’innovation, comme cela se passe dans les mouvements pédagogiques, sans chefs et sans injonctions venant d’en haut. Une vraie réforme de l’évaluation des enseignants ne peut se passer d’une formation continue qui retrouverait ses moyens d’il y a trois décennies, qui reconnaîtrait l’horizontalité et l’ouverture vers les mouvements pédagogiques, la recherche et la société …
L’inspection actuelle est très individuelle. Quand elle s’inscrit dans une inspection d’école, ce qui est rare, le manque de temps et le pilotage administratif font que là aussi la réflexion va porter davantage sur des indicateurs du tableau de bord, sur des objectifs normatifs à atteindre, sur le projet d’école très formel et non sur les pratiques pédagogiques de l’école et sur le travail en profondeur de ses enseignants. Le PAS 38 revendique un contrôle du travail des enseignants collectif, par école, le contrôle individuel s’y inscrivant. La liberté pédagogique devrait être d’abord celle de l’équipe, celle du conseil des maîtres souverain, avec des marges de manœuvre individuelles respectant les approches et les personnalités de chacun. Le PAS 38 voit des limites à la stricte liberté pédagogique individuelle. « Chacun fait c’qu’il lui plaît » dans sa classe sans se soucier des autres, ni du projet commun, ni de l’identité collective et humaine de l’école, ce n’est pas pour nous un progrès. Il est vrai que pour que l’équipe pédagogique fonctionne vraiment il faut une volonté commune et que chacun fasse des compromis, ce qui ne se décrète pas. La formation au travail en équipe devrait être un pilier de notre profession !

Le PAS 38 se méfie beaucoup du pilotage qui se met en place.

La réforme de l’évaluation des enseignants vise à mieux accompagner les collègues tout le long de leur carrière. Sont soulignés les conseils pédagogiques, les besoins de formation, le travail en équipe, le dialogue avec les parents d’élèves, etc … Au-delà de la critique de forme sur qui prodigue ces conseils (voir plus haut), sur le fond on ne peut qu’approuver une approche plus globale de la fonction d’enseignant et la reconnaissance de son investissement hors présence-élèves.

Mais d’autres problèmes se posent : comment évaluer objectivement la qualité du dialogue avec les parents d’élèves ou avec des partenaires et celle du travail en équipe ? Cet accompagnement global dans la carrière n’est-il pas en réalité une intensification du pilotage bureaucratique, sachant que l’école est pour l’instant le seul endroit où la pression hiérarchique est peu présente ? On sent une volonté de continuité de suivi des enseignants, pour le meilleur (qui reste à prouver) comme pour le pire. Ainsi l’entretien proposé aux enseignants quatre fois dans la carrière, précédé d’une inspection classique, peut davantage tenir compte de la globalité du travail de l’enseignant et peut même davantage le responsabiliser. Mais en même temps il peut devenir le temps fort et formel du pilotage individuel, que les « conseils pédagogiques » plus fréquents, confiés aux mêmes inspecteurs, conforteront dans la durée.

Le PAS 38 pose des questions de fond sur l’avancement de carrière.

La progression de carrière ne peut-elle pas elle-même faire débat ? Qu’est-ce qui justifie qu’on soit mieux payé en fin de carrière où pourtant les besoins financiers ne sont pas forcément plus importants ? La carotte sans laquelle « on ne foutrait plus rien » et le bâton pour les enseignants qui sortent des sentiers battus, qui n’appliquent pas avec assez de zèle des contraintes administratives dont l’utilité reste souvent à démontrer ou qui font preuve d’un esprit critique déterminé face à l’IEN ?
La réforme de l’avancement de carrière permet à tous d’atteindre la hors-classe. On aurait pu en rester là. C’était mal connaître les fondamentaux du gouvernement, le mérite, la compétition et le souci de dégager une élite, chez les profs comme chez les élèves. Ainsi donc est créée une classe exceptionnelle, censée récompenser les meilleurs. Nous sommes pourtant au 21ème siècle !

L’évaluation des enseignants est un sujet trop complexe pour être abordé de manière caricaturale. Nous ne nous satisfaisons pas du regard comblé à la bisounours de ceux qui pensent qu’enfin on responsabilise vraiment les enseignants, qu’enfin nous devenons acteurs de notre parcours professionnel. Comment former des citoyens critiques et solidaires avec une évaluation de notre travail qui continue d’être artificielle, dominée par la carotte ou le bâton et où l’accompagnement signifie pilotage serré et management néolibéral ?
Pour autant nous ne rejetons pas en bloc l’entretien professionnel, l’approche plus globale de notre fonction, la dimension sociale de l’école et le rôle des conseils pédagogiques. Mais une école avec de vrais projets et pas que le projet d’école très encadré. Et des échanges pédagogiques dégagés de toute pression hiérarchique, avec le souci de l’horizontalité et de l’ouverture.


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