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Face à la pression sur la scolarisation des deux ans...

1. Dossier réaliser par Christian Gerbelot-Legris, avec la collaboration de Soazig Quillard et Catherine Roux.

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a . Les deux ans à l'école

b- Scolarisation des 2 ans à l'école maternelle : Argumentaire

c - En guise de conclusions provisoires.. pour amorcer le débat…

d - Revue de presse / phrases clés

e - Références bibliographiques / contacts

2 - Les maternelles françaises, un modèle pour les Etats-Unis ?

3 - À 2 ans, l'école traumatise
   

1. Dossier réaliser par Christian Gerbelot-Legris, avec la collaboration de Soazig Quillard et Catherine Roux.

a . Les deux ans à l'école

 

Une revendication est largement partagée par les autres syndicats et fédérations de parents d'élèves : l'école maternelle doit accueillir les 2 ans.
Et nous, au PAS38, qu'en pensons-nous ? Du temps où une commission maternelle fonctionnait un gros travail de débat et de recueils d'informations avait été réalisé sur le sujet. Nous vous proposons un petit digest de ces analyses afin de prendre une position syndicale lors du congrès.
Qu'est-ce qu'un enfant de 2 ans ?
Qu'est-ce que cela induit sur la structure
susceptible d'accueillir des 2 ans ?
En fonction du développement individuel un enfant ne peut commencer une éducation sphinctérienne qu'entre vingt-deux à vingt-six mois, parfois plus tard. Un dressage forcé à la propreté trop précoce (par exemple à visée scolaire) peut empêcher un enfant de réaliser une étape essentielle de l'édification de sa personnalité. (annexe 1) La structure d'accueil doit pouvoir accueillir des enfants qui ne sont pas encore propres.
Autour de deux ans et demi, l'enfant vit une crise de maturation qui se traduit par un mal-être évident, de l'agitation, de l'agressivité, … Ce passage délicat est l'ultime crise nécessaire à l'enfant avant d'assumer le "je " séparé. Ce passage est assez bref, deux ou trois semaines environ. (annexe 2) C'est seulement après cette crise qui se déclare aux alentours de deux ans six mois et trois ans que l'enfant développe spontanément de nouvelles conduites de socialisation et devient capable non seulement de participer à des jeux plus élaborés en petits groupes, mais encore d'en être l'organisateur.
L'enfant de deux ans a une capacité de séparation encore très limitée. Il semble autonome, mais c'est une autonomie trompeuse car il a encore énormément besoin de sa mère, de son corps pour se sentir entier. La "défusion " n'est pas achevée comme n'est pas achevée son enracinement dans sa propre famille. Il faudrait pouvoir accueillir les 2 ans avec souplesse concernant notamment la durée de présence dans la structure ; accepter la présence ou non de la mère pendant les phases d'accueil.
Il est vulnérable à toute agression et tout bouleversement qui contrarie ses rythmes vitaux, de sommeil, d'alimentation. Il mange lentement, fait un petit somme à des heures qui ne sont pas forcément celles de la sieste… Le lieu d'accueil devrait proposer une organisation capable de respecter ses rythmes vitaux et également les différences de rythmes entre les différents enfants accueillis.
Il a besoin d'une relation personnalisée avec l'adulte : des moments de maternage, des échanges langagiers individualisés… Un effectif maximum de 18 dans la structure, avec comme idéal des groupes de dix enfants pour un adulte.
Il a besoin d'expérimenter, de manipuler, de tout tester avec ses cinq sens. Ses besoins d'expression motrice sont importants. Le cadre dans lequel il évolue doit être sécurisant. Les locaux devraient être adaptés à ces besoins : place suffisante, aménagements permettant le mouvement, matériel varié permettant le toucher, les manipulations, mobilier adapté à sa taille, …
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b - Scolarisation des 2 ans à l'école maternelle : Argumentaire.

 

Arguments
Contre Arguments
L'école maternelle est gratuite, cela coûte donc beaucoup moins cher aux familles que tout autre mode de garde(crèche, nourrice,...).
On favorise ainsi les milieux modestes.
" L'école a un coût. Accueillir les 2 ans, c'est aménager des locaux, payer des Atsem(dépenses pour les communes), payer des instits(dépenses pour l'Etat). Ne pourrait-on pas envisager qu'en cas de non accueil à l'école, les sommes ainsi économisées puissent être versées aux familles modestes pour assurer les frais de garde ?
" Un article de la revue Enfant d'abord de novembre 96, montre qu'en fait c'est surtout une économie pour les milieux aisés. (annexe 3)
" Ce ne sont pas forcément les familles modestes qui confient leurs 2 ans à l'école mais des parents qui auraient les moyens de trouver autre chose et refusent de le faire car pour eux la gratuité est un dû.
La fréquentation de la maternelle aboutit à une baisse du taux des redoublements, qui est d'autant plus forte que cette fréquentation a été plus longue. Ce sont les enfants des familles modestes, urbaines et rurales, qui bénéficient le plus des bienfaits de la maternelle. (annexe 4) " En regardant les chiffres d'un peu plus près, on s'aperçoit que si l'amélioration de la scolarité est très forte entre les enfants n'ayant pas fréquenté l'école maternelle et ceux l'ayant fréquenté trois ans, la différence entre ceux l'ayant fréquenté trois ans et ceux l'ayant fréquenté quatre ans est relativement faible.
" Pour des chercheurs de l'IREDU-CNRS(Institut de Recherche pour l'Economie de l'éDUcation), si la scolarisation précoce est positive pour la scolarité ultérieure, "elle n'est pas spécialement bénéfique pour les enfants d'un milieu social particulier ". Ainsi, "la scolarisation à 2 ans ne semble pas être un réel substitut à un milieu familial défavorisé ". (annexe 5)
Pour faire face à la concurrence de certaines écoles privées qui accueillent des 2 ans, les écoles maternelles publiques doivent également le faire. Sous prétexte de concurrence on peut tomber dans les pires excès en occultant l'essentiel : trouver le mode de garde favorisant les meilleures réponses aux besoins des 2 ans.
L'accueil des 2 ans permet d'éviter de fermer des classes dans certaines écoles où les effectifs sont en baisse. Les 2 ans ne doivent pas jouer le rôle de bouche-trous et la priorité doit être d'accueillir les enfants dans les meilleures conditions plutôt que de chercher à maintenir à tous prix un nombre de classes.
L'école ça fait grandir très vite. En regardant faire les autres, les 2 ans apprennent à vivre en groupe, à faire des choix. Beaucoup de choses passent par imprégnation en voyant les plus grands être autonomes. " Dans les classes de 2 ans "pures " les enfants n'ont pas de plus grands pour les pousser à grandir.
" Il existe d'autres lieux pour côtoyer ses pairs et grandir par imprégnation(garderie, crèche, …)
Les structures de l'école sont inadaptées, tant du point de vue des effectifs(nombre d'enfants/classe trop important et nombre d'adultes trop faible) que des locaux(trop exigus et mal aménagés) ou de la formation des personnels. Il ne faut pas généraliser. Certaines mairies ont fait des efforts pour aménager des locaux afin d'accueillir les 2 ans et pour mettre à disposition de ces classes des personnels supplémentaires et formés. Par ailleurs des instits ont suivi des formations spécifiques à l'accueil des 2 ans.
Les missions de l'école ne sont pas compatibles avec les besoins des 2 ans. En effet, qui dit école dit programmes, compétences à acquérir, … toutes notions antinomiques avec les besoins réels d'enfants de 2 ans. On peut imaginer des textes réglementaires permettant de respecter à la fois les missions de l'école et les spécificités des 2 ans.
Les 2 ans ont besoin de maternage, d'échanges langagiers individualisés avec l'adulte ; ils ont une capacité de séparation encore limitée et leur maîtrise de la propreté n'est pas forcément achevée.
L'école maternelle actuelle ne peut répondre de manière satisfaisante à ces caractéristiques psychoaffectives des 2 ans.

Mélanger dans un même lieu des enfants de 2 et 3 ans n'est pas souhaitable car ils n'ont pas atteint le même niveau de développement. Un risque de régression existe pour certains enfants. (annexe 6) " On peut retrouver ce brassage 2 ans- 3 ans dans certaines crèches.
" Des classes ne regroupant que des 2 ans permettent d'éviter cet écueil.

Cas particulier des enfants de migrants : lorsqu'on les met à l'école à 2 ans, il y a un mélange entre la langue maternelle et la langue du pays d'accueil qui ne favorise pas le bilinguisme, car c'est entre 2 et 4 ans que l'enfant acquiert sa langue maternelle. (annexe7)

Le nombre d'enfants concernés n'est pas suffisamment important pour qu'il permette d'imposer une règle à tous les 2 ans quant à leur accueil à l'école maternelle.
Par manque de moyens, l'école maternelle ne parvient déjà pas à scolariser tous les enfants de 3 et 4 ans (notamment en milieu rural). L'effort doit avant tout porter sur l'accueil de tous les enfants de cet âge-la. Des moyens supplémentaires en postes doivent être donnés à l'école maternelle pour lui permettre d'accueillir à la fois tous les 3-4 ans et également les 2 ans.
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c - En guise de conclusions provisoires.. pour amorcer le débat… :

 

On ne peut se satisfaire d'un mot d'ordre réducteur et simplificateur tel que :
  • " tous les 2 ans doivent être accueillis à l'école maternelle "
  • ou "il faut créer des postes à l'école maternelle pour accueillir les 2 ans ".
Il faut en effet se garder de cette tendance généralisée dans les discours politiques et syndicaux, à vouloir ramener le complexe au simple, et parvenir à penser la complexité.
La demande de scolarisation des 2 ans à l'école maternelle résulte essentiellement d'un déficit de places dans les structures d'accueil de la petite enfance et de la gratuité de l'école. Mais l'école maternelle actuelle n'a pas la capacité à répondre de manière satisfaisante aux besoins des 2-3 ans.
Nous demandons que l'Etat engage sa réflexion du côté des expériences et des propositions qui visent à assurer un accueil réfléchi et adapté aux besoins
des 2-3 ans, dans le sens des deux exemples mentionnés ci-dessous :
  • La proposition favorable à la création d'une structure intermédiaire entre la crèche et l'école maternelle( défendue par L'union nationale des Associations Familiales ) ou celle de crèche scolaire émise par le Conseil Économique et Social, à condition qu'il ne soit pas dérogé au principe de gratuité de l'école.(annexe 8)
  • Les structures charnières intégrées à l'école maternelle, appelées aussi classes passerelles : il s'agit de classes intégrées à l'établissement scolaire accueillant des enfants de 2-3 ans où travaillent en tandem une
    enseignante et une éducatrice de jeunes enfants. Elles reposent sur deux ingrédients essentiels : le volontariat et le partenariat (convention signée entre mairie, PMI, Centre Social et Éducation Nationale). Ces classes, essentiellement situées en ZEP, à effectifs allégés (20 enfants), ont pour but : " d'amener les 2 ans à intégrer l'école dans de meilleures conditions et de prévenir l'échec scolaire ". (annexe 9)
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d - Revue de presse / phrases clés :

 

  • " Exiger qu'un enfant soit propre pour être inscrit à la maternelle est "une condition légitime et réaliste. Nous savons bien que ces problèmes de propreté sont liés à bien d'autres phénomènes et que si un enfant éprouve des difficultés de ce côté-là, il en a sans doute d'autres… En tout cas, cela signifie qu'il n'est pas encore mûr, précisément, pour une scolarisation… L'école maternelle ne saurait être purement et simplement un lieu d'accueil-garderie. " - André Legrand, ancien directeur des écoles au ministère de l'éducation nationale - interview dans la revue Enfant d'abord, nov.1992.
  • " " Il y a violence dès qu'on met un tout petit enfant dans des situations qui risquent de le déborder sur le plan émotionnel sans être là pour l'aider à développer ses capacités d'intégration psychique… Un enfant confronté seul, sans l'appui d'une personne très proche, à des tensions émotionnelles trop fortes, risque vraiment de se bloquer, de développer des mécanismes de défense aigus et de se rigidifier dans un système d'identifications forcées. " - Geneviève Haag, pédopsychiatre et psychanalyste - interview dans la revue L'école des parents, août 1990.
  • " " Quand on dit 2 ans et 3 ans, c'est comme si on disait 12 ans et 25 ans. A deux ans, de trois mois en trois mois, les enfants évoluent énormément ; leurs intérêts, leur mode de langage au sens large du terme sont en continuelle mutation. " - Françoise Dolto - La cause des enfants - Robert Laffont.
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e - Références bibliographiques / contacts :

 

  • L'école maternelle a deux ans : oui ou non - Bianka Zazzo - Stock/Laurence Pernoud - 1984
  • Scolarisation précoce : un enjeu - Suzelle Leclercq - Nathan
  • La scolarisation des enfants de deux-trois ans et ses inconvénients - Arrichi, Galou - E.S.F. - 1988
  • La cause des enfants - Françoise Dolto - Robert Laffont
  • L'enfant dans la vie - La Documentation Française - 1982
  • La scolarisation maternelle à deux ans : effets pédagogiques et sociaux - Jean-Pierre Jarousse, Alain Mignat, Marc Richard - Education et Formations, avril-juin 1992.
  • Orientations pour l'accueil des tout jeunes enfants - circulaire de la Direction des Ecoles, décembre 1982
  • Crésas : Centre de recherche de l'éducation spécialisée et de l'adaptation scolaire
    75 rue Claude Bernard 75005 Paris - tél. : 01 43 31 10 70
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Dossier réalisé par Christian Gerbelot-Legris, avec la collaboration de Soazig Quillard et Catherine Roux.
Remerciements aux anciens membres de la commission maternelle pour la documentation accumulée.

 
6 - Les maternelles françaises, un modèle pour les Etats-Unis ?
Commentaires sur un article de Courrier International

Une délégation d'enseignants américains est venue en Europe pour observer ces classes où l'on prépare les tout-petits à l'école.

THE NEW YORK TIMES (extraits)

Les Américains s'intéressent actuellement de près aux quelque 19 000 écoles maternelles françaises. Enseignants, parents et responsables locaux cherchent en effet les moyens de mettre en pratique les projets du président George W. Bush visant à introduire un enseignement plus précoce de la lecture. Le débat sur l'apprentissage précoce - qui implique de savoir quelles connaissances on veut inculquer aux enfants et à quel âge - est actuellement très vif. C'est pourquoi la fédération américaine des enseignants a envoyé une importante délégation pour étudier les écoles maternelles françaises.
En France, l'apprentissage précoce est encouragé, et l'école maternelle est perçue comme un droit inaliénable et universel, non comme un privilège de riches ou une aide sociale pour les pauvres. Le recours à des moyens artistiques reste une priorité pour les enseignants français qui travaillent avec des enfants de milieux défavorisés. Dans une grande salle de classe moderne et bien équipée de la Goutte d'or, un quartier de Paris pauvre et essentiellement peuplé d'immigrés, des enfants de 3 à 4 ans sont assis sur de petits bancs autour d'Isabelle Guigou tandis qu'elle les aide à "lire" les noms des couleurs en identifiant la première lettre du mot. Mlle Guigou montre une carte avec le mot "vert", et Abdelaziz, 4 ans, reconnaît avec plaisir la lettre V, même si elle lui a en réalité fait penser au mot "ventre".
REPAS CHAUDS, SIESTES ET DISCIPLINE
Les enfants se répartissent ensuite autour de plusieurs tables pour colorier des dessins de chapeaux avec la couleur qu'ils ont identifiée. Souhila, 4 ans, attrape un crayon rouge et commence à barbouiller un chapeau qui aurait dû être jaune. Mlle Guigou corrige cette erreur. "Pourquoi as-tu choisi le rouge ?" demande-t-elle. "Parce que je n'ai pas fait attention" , répond la petite fille. "Exactement. Maintenant essaye avec le jaune."
Alors que les éducateurs américains débattent encore de leur pertinence, les programmes d'apprentissage précoce existent en France depuis 1921. L'objectif n'est pas d'apprendre aux enfants à lire très tôt, mais plutôt de préparer les petits à répondre aux exigences sociales et académiques de l'école primaire, en insistant sur la communication et le vocabulaire.
La France est fière de garantir une école maternelle de qualité, gratuite et universelle. Les instituteurs reçoivent la même formation et le même salaire, quel que soit le niveau où ils enseignent. Le gouvernement français prête une attention toute particulière aux écoles situées dans des quartiers pauvres, en limitant les effectifs à 25 élèves par classe et en renforçant les équipes éducatives. Le programme officiel pour les écoles maternelles fait chaque année l'objet d'un petit document publié par le ministère de l'Education nationale. Il est obligatoire d'offrir un repas chaud aux enfants et de les faire dormir après le déjeuner ; on doit leur raconter des histoires et les initier à la peinture comme à la danse.
"En Europe", explique Marilou Hyson, directrice du National Institute for Early Childhood Professional Development, à Washington, " on n'envoie pas les enfants à l'école maternelle pour qu'ils réussissent mieux leurs tests d'entrée à l'école. Les Européens n'ont pas une mentalité utilitaire, ils pensent sincèrement que l'école maternelle est un droit fondamental de chaque enfant. "
Les moments de détente ont toujours un objectif éducatif, qu'il s'agisse de confectionner des masques pour le carnaval ( "Quelle est la première lettre du mot 'clown'?" ) ou de faire un gâteau ( "Combien y a-t-il eu d'oeufs pondus ce matin par les poules du quartier ?" ). La spontanéité, elle, est limitée, à la fois parce que la taille des classes ne s'y prête pas facilement et parce que les Français ont une prédisposition pour l'excès de discipline.


7 - À 2 ans, l'école traumatise

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Les thèses récentes en faveur de l'accueil des tout-petits en maternelle
ne tiennent pas compte des besoins de l'enfant.

Par Danielle DALLOZ
vendredi 05 septembre 2003 - Libération
Danielle Dalloz est psychanalyste. Dernier ouvrage paru : "Où commence la violence, pour une prévention chez le tout-petit" (Albin Michel, la Cause des bébés).


Pour qui connaît la petite enfance, l'interview du ministre délégué à l'Enseignement scolaire, Xavier Darcos, que Libération publiait le 31 mars, mettait en évidence la méconnaissance totale par les politiques des besoins du tout-petit. Il affirmait que "l'accueil dès 2 ans (en maternelle) n'a pas de conséquences majeures sur le développement de l'enfant", sur la foi d'études de son ministère, sans doute étayées du fait que certains enfants paraissent très bien s'adapter à la maternelle.

Mais leurs auteurs ne se réfèrent manifestement qu'à des spécialistes de la pédagogie et n'ont pas lu les grands auteurs de la psychologie et de la psychanalyse de l'enfant. Ils ignorent qu'entre 2 et 3 ans, en pleine construction de soi, le petit enfant a encore besoin de nommer, d'apprendre et d'harmoniser ses nombreuses sensations et celles de l'autre. Une tâche impossible pour lui dans un groupe de 25 à 30 enfants. Aucune institutrice seule (même aidée d'une auxiliaire par moments), si professionnelle et bienveillante soit-elle, ne peut avoir la disponibilité pour aider chacun à construire son identité lorsque le "je", qui en est l'expression et le symbole, est encore en devenir. Pourtant, on prétend favoriser son adaptation sociale en lui faisant vivre un déracinement, un abandon, sous prétexte qu'il serait bénéfique de "séparer l'enfant de son milieu familial" (surtout s'il est défavorisé) alors qu'il est en train de tisser le maillage nécessaire à sa sécurité fondamentale.

Pour l'enfant, le chemin de 2 à 3 ans est long et difficile. Mais on voudrait en plus exiger de lui qu'il soit propre avant que sa maturation neurologique ne le permette, l'obliger à être dans le partage avant qu'il ait une réelle conscience de soi. Il fait, progressivement, la découverte de l'autre, de l'espace, du corps, du langage. La crèche a été conçue pour relayer la cellule familiale. Les enfants y sont accueillis en fonction de leurs besoins, par quatre à six autour d'un adulte, entre 0 et 2 ans, par huit de 2 à 3 ans.
Scolariser les enfants de 2 ans comme ceux qui ont un an de plus, c'est comme si on les plongeait dans une piscine olympique au lieu d'une pataugeoire. Pourtant, personne n'aurait l'idée de faire subir à des CP un régime de sixième. On imagine les rendre plus autonomes alors que leurs liens premiers sont non seulement distendus, mais rendus impossibles. L'entrée précoce en collectivité, sans encadrement par des adultes en nombre suffisant, est d'une violence inouïe dont les traces s'inscrivent dans la mémoire et ont des conséquences de violence sans fin. Sous prétexte de "faciliter son développement", on meurtrit l'enfant pour la vie.

Il court le risque d'être "rendu passif" par une adhésion sidérée au groupe, empêchant la mise en place de sa capacité à se penser seul, séparé ; ou de se figer dans une régression mutique, dans la peur, point de départ des pathologies à venir. Ou encore d'exploser de vitalité dans une instabilité ou une agressivité si bruyante qu'il rencontrera le rejet toujours renouvelé, donc un rapport de force sans fin.

En lui imposant cette confrontation brutale et permanente (les journées sont longues) au groupe, nous préparons le refus de l'autre, la révolte face à toute règle collective. La violence exprimée de plus en plus tôt est l'effet d'une violence subie de plus en plus précocement.

M. Darcos a raison de trouver que son fils de 2 ans et demi, qui "ne sait pas encore s'habiller seul, connaît à peine son âge et n'est pas capable d'avoir "une conversation scolaire"", n'est pas mûr pour l'école maternelle. Pourtant, ce qui lui semble là plein de bon sens lui paraît "clairement bénéfique" pour les enfants issus de l'immigration. Certes, son fils ne répond pas aux critères fixés par le ministère, mais combien de moins de 3 ans y répondent ? Au nom de quoi les besoins d'un tout-petit de milieu privilégié français seraient-ils différents de celui d'une autre origine ? Pourquoi les enfants "défavorisés" seraient-ils plus aptes que son fils à affronter cette redoutable épreuve du passage du petit groupe (familial ou crèche) à la collectivité, avec en plus l'immersion dans une langue étrangère ? Ce que M. Darcos redoute pour son propre enfant est aussi violent pour les autres du même âge. Et, quand il dit qu'il préfère qu'un enfant "soit scolarisé plutôt que d'être livré à lui-même", il oublie la culture du maternage dans les populations immigrées qui, loin d'abandonner les tout-petits, leur assurent une présence et une chaleur que pourraient leur envier bien des bébés occidentaux pur jus.

Dans une interview à la Croix (publiée le 7 mars), M. Darcos avait annoncé des projets qui étaient courageux et prometteurs. Enfin, l'enfant était pris en compte et non plus les intérêts corporatistes, électoraux et financiers. Mais il est vrai que cela demande dix ans pour être mis en oeuvre et qu'on commence seulement à en voir les résultats. Et pour un homme politique, mieux valent des effets à court terme, même s'ils sont délétères à plus longue échéance, mais visibles avant la fin de la législature, plutôt que des résultats plus éloignés qui profiteront à ses successeurs, après qu'il aura eu droit aux levées de bouclier qu'entraîne toute réforme, avec des conséquences souvent ingrates pour celui qui les a initiées.

M. Darcos affirme qu'en tant que ministre délégué à l'Enseignement scolaire, il est favorable à ce que la puissance publique se mobilise pour s'occuper des enfants le plus tôt possible. Vouloir aider les enfants issus de l'immigration à s'approprier rapidement la langue et la culture est assurément louable. Mais, s'il faut pour cela les scolariser à 2 ans, que ce soit en leur offrant dans les écoles publiques, gratuites, la même organisation que dans les grandes sections des crèches, payantes, dans le respect des étapes nécessaires à l'enfance, à toute enfance hors de toute notion de racisme de classe et des intérêts particuliers. D'un autre côté, il se dit que le dossier privilégié de M. Mattei est la prévention de la violence. Comme l'adolescence est le moment où se réactivent les enjeux du début de la vie, il est illusoire de vouloir obtenir des résultats si on ne démarre pas cette prévention dès la naissance. La violence subie dans la petite enfance se retrouve, active, à l'adolescence. Mais le respect génère le respect et ce sont les générations à venir qui en verront les fruits.

Danielle Dalloz

sources :

http://www.ooyakwa.net/sites.php?cat=50

http://ecolesdifferentes.free.fr/2ans.html




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